Ce que j'aime, à mon âge, c'est la lenteur. Me coiffer, saisir la brosse de mes mains déformées, lever le bras, glisser les dents de l'instrument dans ma maigre chevelure, nécessite d'interminables minutes. Pour m'extirper de mon lit, il me faudrait, parfois, l'assistance d'un ingénieur. Je réfléchis aux mouvements qui seraient le plus efficaces longtemps avant d'en esquisser un seul. Afin d'écrire sur ce blogue, je dois tirer l'ordinateur portable de sa cachette dans un vieux carton sous mon lit. L'engin est léger mais je vacille en le transportant sur la table de ma cuisine. Mes doigts agrippent le cordon électrique. Quant, épuisée je m'assieds devant la machine, mes pensées s'écoulent comme d'un corps endormi. Seuls mes doigts s'agitent sur le clavier. Il me semble que je respire à peine.
Je ne sors pas beaucoup en ce moment. Je suis allée dormir quelques fois avec Dédé mais il commence à faire trop froid. Nous avons eu une discussion qui a mal tourné parce que j'ai essayé de le convaincre de venir chez moi pour son bien, au moins la nuit. Je tiens à ma liberté, il a dit, ronchon. Je tiens à toi le vieux, j'ai répondu sur le même ton, tu vas finir par crever de froid sur tes cartons. Bah, il a ri, au moins j'aurais passé de bons moments avec ma pépée avant. J'ai tourné les talons et je suis partie. La vérité est que Dédé est vraiment libre. La seule chose qui le préoccupe c'est de trouver des choses dans la rue. Il sillonne Paris avec son chariot de supermarché et il récupère tout ce qu'il trouve valable : des appareils-photos déglingués, des machines à laver de Mathusalem, des vêtements en loque. Je l'avais accompagné une fois pendant son périple. Devant chacune de ses trouvailles je ne pouvais m'empêcher d'être sceptique mais il m'expliquait qu'il allait réparer ça, recoller les morceaux, utiliser les pièces détachées...
J'espère qu'il fera de même avec mon cœur brisé.
Je ne sors pas beaucoup en ce moment. Je suis allée dormir quelques fois avec Dédé mais il commence à faire trop froid. Nous avons eu une discussion qui a mal tourné parce que j'ai essayé de le convaincre de venir chez moi pour son bien, au moins la nuit. Je tiens à ma liberté, il a dit, ronchon. Je tiens à toi le vieux, j'ai répondu sur le même ton, tu vas finir par crever de froid sur tes cartons. Bah, il a ri, au moins j'aurais passé de bons moments avec ma pépée avant. J'ai tourné les talons et je suis partie. La vérité est que Dédé est vraiment libre. La seule chose qui le préoccupe c'est de trouver des choses dans la rue. Il sillonne Paris avec son chariot de supermarché et il récupère tout ce qu'il trouve valable : des appareils-photos déglingués, des machines à laver de Mathusalem, des vêtements en loque. Je l'avais accompagné une fois pendant son périple. Devant chacune de ses trouvailles je ne pouvais m'empêcher d'être sceptique mais il m'expliquait qu'il allait réparer ça, recoller les morceaux, utiliser les pièces détachées...
J'espère qu'il fera de même avec mon cœur brisé.