lundi 22 septembre 2008

La nuit avec Dédé

De son chariot de supermarché, il a extrait :
- un couffin de bébé
- une vieille machine à coudre à l'aiguille cassée
- une planche à repasser avec des tâches de brûlé
- un pull taille 40 qui sera parfait comme cadeau de Noël pour ma fille
- des chaussettes sales
- une petite cuillère
- et des sacs de plastique, des tessons de bouteilles, des canettes vides, une clef, des cents au métal noirci.

J'ai saisi le couffin qui sera parfait pour Coco, le pull, les chaussettes sales (ça peut toujours servir). J'ai dû argumenter pour jeter ce qui me semblait dangereux, y compris la petite cuillère qui avait sans doute servi à liquéfier quelque drogue. Dédé n'aime pas se séparer des choses qu'il a trouvées. Mine de rien, je lui ai glissé un billet propre et quelques euros. Ça lui a coupé la chique. Ah ! a-t-il soufflé d'une lippe nostalgique, les euros ça fait des heureux ! Il a recouvert ses trouvailles de morceaux de carton et nous nous sommes assis avec force simagrées, appuyé l'un contre l'autre tel deux soldats revenant du champ de bataille. Nos fesses ont heurté brutalement le bitume et j'ai râpé le mur avec ma bosse. C'est dur de vieillir, j'ai dit, bon sang ! Oh que oui, il a répondu, essoufflé.

Alors nous avons exécuté notre rituel, minutieusement : évocation, tremblements, colère. Un homme avec un petit chien, du genre caniche minuscule avec les poils raides et une trogne aplatie, a cru assister à une querelle d'ivrognes. Il a passé son chemin sans demander son reste, son animal frustré sous le bras. Il avait à peine disparu dans la rue Lamarck que Dédé s'est mis à sangloter. Je lui ai collé la bouteille de rouge entre les lèvres et je l'ai accompagné de mes gémissements et de mes larmes. C'est toujours de cette façon que les choses se terminent entre nous. Finalement, nous nous sommes endormis affalés l'un contre l'autre, soulagés, requinqués par l'évocation de feux nos époux. La bouteille vide a valdingué sur les pavés.

A l'aube, nous dormions. C'est l'arroseuse qui nous a réveillés.

5 commentaires:

Catherine a dit…

Bonjour, pouvez-vous me dire comment il se fait que vous puissiez venir sur mon blog privé sans y avoir été invitée ?

Catherine a dit…

Laissez tomber ! J'ai trouvé qui vous êtes, petite cachottière : ))

Catherine a dit…

Voilà, j'ai lu. Et j'aime bien, ces petites histoires qui s'enchaînent. Et j'ai hâte d'en savoir plus sur vous. Une Mémé qui a une maison mais va dormir dans la rue avec son ami. Vous êtes bizarre, quand même ! Et les chats, qui les nourrit et les cajole quand vous sortez ?

Anonyme a dit…

Tss tss jeune fille ! Savez-vous que la curiosité est un vilain défaut ? Apparemment vous en regorgez... Continuez de me lire et vous saurez peut-être ce que vous voulez savoir. Je ne peux pas vous en dire plus. Quant au chat, ne vous inquiétez pas, certains d'entre eux savent très bien ouvrir le frigo !

Catherine a dit…

Je patienterai donc. Et continuez de m'appeler "jeune fille", j'adore !